Retour aux articles

La semaine du droit des sociétés

Affaires - Sociétés et groupements
06/04/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des sociétés, la semaine du 29 mars 2021.
SA – rémunération du dirigeant social – commissaire aux comptes
« Selon l'arrêt attaqué (Reims, 11 décembre 2018), M. X est devenu le président et directeur général de la société anonyme Nouvelle Ronzat (la société Ronzat) le 30 janvier 2006.
Les comptes de l'exercice clos le 31 mars 2011 faisant apparaître un déficit ayant pour origine des malversations commises par M. X, celui-ci a été, le 27 juillet 2011, révoqué de ses fonctions de président et directeur général, et licencié.
La société Fiduciaire comptable du Nord (la société FCN), commissaire aux comptes, a, le 25 août 2011, adressé une lettre de révélation au procureur de la République, qui a donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire pour abus de biens sociaux à l'issue de laquelle M. X a été poursuivi devant le tribunal correctionnel et condamné pénalement et civilement.
Estimant que le commissaire aux comptes avait manqué à ses obligations professionnelles en ne l'alertant pas sur les malversations ainsi commises, la société Ronzat l'a, le 18 juin 2013, assigné en réparation de son préjudice.
Le 4 septembre 2014, la société Ronzat a été mise en liquidation judiciaire et M. Y désigné en qualité de mandataire liquidateur, ultérieurement remplacé par Mme Z.
 
Ayant exactement rappelé que le conseil d'administration d'une société anonyme n'a pas le pouvoir de ratifier la décision du président qui, sans avoir préalablement obtenu une décision du conseil, s'est alloué une augmentation de sa rémunération, l'arrêt constate qu'aucune décision du conseil d'administration n'est venue déterminer l'augmentation de rémunération de M. X à compter du 1er avril 2009. Il relève ensuite que le quantum de cette augmentation, qualifié de très substantiel, aurait nécessairement dû conduire la société FCN à effectuer des vérifications plus approfondies, cependant que la rémunération du dirigeant avait déjà été augmentée, certes dans des proportions moindres, au cours des exercices précédents, mais toujours sans aucune décision du conseil d'administration.
Il retient enfin qu'en dépit de ces circonstances, qui auraient dû aiguiser la vigilance du commissaire aux comptes pour l'exercice suivant, celui-ci n'a accompli aucune démarche pour se faire communiquer le procès-verbal du conseil d'administration du 1er avril 2010 fixant la rémunération de M. X pour l'exercice en cours 2010/2011 ou, à tout le moins, pour vérifier la rémunération du dirigeant social au cours de cet exercice.
En l'état de ces énonciations et constatations souveraines, c'est sans avoir mis à la charge du commissaire aux comptes un devoir de contrôle permanent des comptes ni omis de prendre en considération le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 1er avril 2010, que la cour d'appel a retenu que la société FCN avait manqué à son obligation légale de vérification de la sincérité de la rémunération du dirigeant social et commis une négligence fautive, d'un côté, en n'interpellant pas les organes compétents de la société, au cours de l'exercice du 1er avril 2009 au 31 mars 2010, et en ne formulant aucune observation ou réserve lors de la certification des comptes de cet exercice et, de l'autre, pour l'exercice suivant, en ne veillant pas suffisamment à s'assurer de la sincérité de l'information relative à la rémunération du dirigeant social et en restant inerte dans l'attente de devoir procéder au seul contrôle sur place des pièces comptables, une fois l'exercice achevé ».
Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-12.045, P *
 
 
SARL – assemblée générale – révocation d’un gérant
« Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 12 novembre 2018), le capital de la Sarl Financière Martin (la société Fimar), dont le siège social est à Baie-Mahault (971), est détenu, à concurrence de 50,04 %, par M. E. X, et à concurrence de 49,96 %, par son frère, M. R. X.
MM. E. et R. X étaient cogérants de la société jusqu'à ce qu'une assemblée générale, réunie le 21 mars 2016 à Paris sur la convocation de M. E. X, décide la révocation de M. R. X de ses fonctions de gérant et, par la même occasion, l'octroi d'une prime exceptionnelle à M. E. X.
Contestant ces décisions, M. R. X a assigné la société Fimar et M. E. X, principalement, en annulation de cette assemblée et en rétablissement dans ses fonctions de cogérant, avec tous les attributs y afférents.
 
Dans le silence des statuts, le lieu de réunion des assemblées générales d'une société à responsabilité limitée est fixé par l'auteur de la convocation, cette décision ne pouvant être remise en cause que si elle constitue un abus de droit.
Après avoir relevé que M. E. X savait, par un courriel qui lui avait été adressé par son frère le 16 mars 2016, que M. R. X serait en métropole dans la semaine du 21 mars 2016, pour un motif personnel, l'arrêt retient que M. R. X ne justifie pas de la réalité d'une indisponibilité le jour de la réunion de l'assemblée générale et qu'il ne démontre pas que son frère a voulu sciemment l'empêcher d'assister à cette assemblée. En déduisant de ces seules constatations et appréciations, procédant de l'exercice de son pouvoir souverain, que la demande d'annulation de l'assemblée générale fondée sur sa tenue en métropole n'était pas justifiée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
 
Après avoir énoncé qu'aux termes de l'article L. 223-25 du Code de commerce, le gérant d'une société à responsabilité limitée peut être révoqué, par décision des associés, dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte et que, selon ce dernier article, dans les assemblées ou lors des consultations écrites, les décisions sont, sur première convocation, adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales, l'arrêt, relevant qu'en l'espèce, l'article 23-3 des statuts de la société Fimar dispose, s'agissant de la révocation des gérants, que « les décisions relatives à la nomination ou à la révocation de la gérance doivent être prises par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, sans que la  question puisse faire l'objet d'une seconde consultation à la simple majorité des votes émis », retient, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de ces stipulations statutaires, que l'ambiguïté de leurs termes rendait nécessaire, qu'il est communément admis que la décision de révocation d'un gérant minoritaire associé d'une société à responsabilité limitée, lorsqu'elle ne comporte que deux associés, peut résulter du seul vote de l'associé possédant plus de la moitié des parts sociales et que le terme « des associés », figurant à l'article 23-3 précité, devait être compris comme faisant référence de manière générique à « un ou plusieurs associés » ayant pris part au vote et non comme imposant, pour ce vote, la présence des deux associés.
Le moyen n'est donc pas fondé.
 
Après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 223-19 du Code de commerce relatives à la procédure d'approbation des conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et l'un de ses gérants associés, qui prévoient que l'associé ou le gérant ne peut prendre part au vote et que ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité, et relevé que l'article 21-2 des statuts de la société Fimar reprend ces dispositions, c'est à bon droit que la cour d'appel, abstraction faite du motif critiqué par le moyen, selon lequel l'octroi d'une telle prime est une opération courante qui peut être votée par décision ordinaire des associés, a retenu que l'allocation d'une prime exceptionnelle au gérant ne s'analyse pas en une convention  passée entre ce dernier et la société mais en la fixation d'un élément de sa rémunération et que celui-ci peut donc prendre part au vote.
Le moyen est donc inopérant ».
Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-12.057, P *
 
 
Plan de redressement – associé – droit préférentiel – tierce-opposition
« Selon l'arrêt attaqué (Caen, 20 septembre 2018) et les productions, la société anonyme Le Thenney a été mise en redressement judiciaire par jugement du 17 décembre 2014, les sociétés FHB et X étant désignées en qualité d'administrateur et mandataire judiciaires.
Mme Y, veuve Z (Mme Z), alors associée de la société Le Thenney, a formé tierce-opposition à l'arrêt rendu par une cour d'appel le 30 novembre 2017, ayant adopté le plan de redressement de cette société « dans les termes de la proposition élaborée par M. A. »
Le 5 mars 2018, l'assemblée générale de la société Le Thenney a, conformément à ce plan de redressement, décidé la réduction du capital à zéro et l'augmentation de capital réservée à M. A, qui est ainsi devenu seul actionnaire de la société.
 
Vu l'article 583 du Code de procédure civile :
Il résulte de ce texte que si l'associé est, en principe, représenté, dans les litiges opposant la société à des tiers, par le représentant légal de la société, il est néanmoins recevable à former tierce-opposition contre un jugement auquel celle-ci a été partie s'il invoque une fraude à ses droits ou un moyen qui lui est propre.
Pour déclarer irrecevable la tierce-opposition formée par Mme Z, l'arrêt retient que les moyens qu'elle invoque ont tous été soulevés par la société Le Thenney dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 30 novembre 2017 et que, s'ils concernent uniquement les actionnaires, ce sont des moyens qui leur sont communs à tous et qui ont été soutenus et défendus en tant que tels par la société Le Thenney, qui les représentait. Il en déduit que, Mme Z n'étant pas seule à pouvoir les invoquer, il ne s'agit pas de moyens propres au sens des dispositions de l'article 583 du Code de procédure civile.
En statuant ainsi, alors que Mme Z prétendait que le plan de redressement adopté par l'arrêt du 30 novembre 2017 portait atteinte à sa qualité d'associée et à son droit préférentiel de souscription, de sorte qu'elle invoquait un moyen qui lui était propre, peu important que chacun des autres associés ait disposé d'un droit préférentiel de souscription, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-14.839, P *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 6 mai 2021
 
Source : Actualités du droit